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Sur les ailes de la fatalité

 

 

Ils entrèrent dans Valbise alors qu’une bourrasque violente balayait les terres des Dix-Cités, en provenance de l’est dégagé. Ironiquement, ils suivirent le même sentier qu’avaient emprunté Drizzt et Wulfgar à peine deux dizaines plus tôt, le long du flanc du Cairn de Kelvin. La bande de verbeegs, cependant, se dirigea vers le sud, du côté des villes, plutôt que vers la toundra dégagée au nord. Grands et fins, ils étaient les plus petits des géants, mais ils représentaient quand même une force formidable.

Un géant du givre menait les éclaireurs de la vaste armée d’Akar Kessell. Couverts par le bruit des bourrasques hurlantes, ils avançaient à toute allure vers un repaire secret découvert par des orques envoyés en éclaireurs, au sein d’un éperon rocheux sur le versant sud de la montagne. Il n’y avait guère qu’une vingtaine de monstres, mais chacun d’eux portait un énorme balluchon d’armes et de vivres.

Leur chef se hâtait vers leur destination. Il s’appelait Biggrin, un géant rusé et d’une force immense, dont la lèvre supérieure avait été arrachée par la mâchoire cruelle d’un loup énorme, figeant sur son visage la grotesque caricature d’un sourire. Cette mutilation ne faisait qu’ajouter à la stature du géant, inspirant à ses troupes habituellement indisciplinées le respect que causait la peur. Akar Kessell avait personnellement choisi Biggrin comme chef de ses éclaireurs avancés, bien qu’il lui ait été conseillé d’envoyer un groupe moins visible, composé d’hommes de Heafstaag, pour cette mission délicate. Mais Kessell tenait Biggrin en haute estime et il était impressionné par la quantité considérable de vivres que pouvait porter la petite bande de verbeegs.

La troupe s’installa dans ses nouveaux quartiers avant minuit et s’affaira immédiatement à construire des installations où dormir, des remises et une petite cuisine. Puis ils attendirent, silencieux et prêts à lancer les premières frappes de l’assaut d’Akar Kessell sur les Dix-Cités.

Un messager orque venait tous les deux jours vérifier l’état de la bande et délivrer les dernières instructions du sorcier, informant Biggrin de la progression de la prochaine troupe d’approvisionnement. Tout se passait selon le plan de Kessell, mais Biggrin constata avec inquiétude que plusieurs de ses guerriers étaient de plus en plus impatients et nerveux chaque fois qu’un messager apparaissait, espérant que le temps de partir en guerre était enfin venu.

Mais les instructions étaient toujours les mêmes : rester cachés et attendre.

Après à peine deux dizaines passées dans l’atmosphère tendue de la grotte étouffante, la camaraderie entre les géants s’était désintégrée. Les verbeegs étaient des créatures faites pour l’action, pas pour la méditation, et l’ennui les conduisait inévitablement à la frustration.

Les querelles devinrent la norme, menant souvent à de cruels combats. Biggrin n’était jamais bien loin, et le géant du givre imposant réussissait généralement à interrompre les bagarres avant qu’un membre de la troupe soit sérieusement blessé. Le géant savait pertinemment qu’il ne pourrait pas maîtriser la soif de bataille de la bande encore très longtemps.

Le cinquième messager se glissa dans la grotte lors d’une nuit particulièrement chaude et inconfortable. Dès que l’orque infortuné pénétra dans la salle commune, il fut entouré d’une vingtaine de verbeegs hargneux.

— Quelles sont les nouvelles, alors ? demanda impatiemment l’un d’eux.

Pensant que le soutien d’Akar Kessell était une protection suffisante, l’orque regarda le géant avec un mépris non dissimulé.

— Va chercher ton maître, soldat, ordonna-t-il.

Tout à coup, une main énorme attrapa l’orque par la peau du cou et le secoua brutalement :

— On t’a posé une question, racaille, dit un second géant. Quelles sont les nouvelles ?

L’orque, ayant visiblement perdu tout sang-froid, riposta par une menace coléreuse à l’attention de son assaillant :

— Le sorcier va t’écorcher vif !

— J’en ai assez supporté, grogna le premier géant, se baissant pour serrer sa main énorme autour du cou de l’orque.

D’un seul de ses bras massifs, il souleva la créature bien au-dessus du sol. L’orque s’agita et se tordit pitoyablement en tous sens, devant les verbeegs indifférents. Une invective retentit, suivie d’une autre :

— Allez, écrase son cou crasseux !

— Arrache-lui les yeux et jette-le dans un trou sans fond !

Biggrin pénétra dans la pièce, se frayant prestement un chemin parmi les rangs pour découvrir l’origine de ce tumulte. Le géant ne fut pas surpris de trouver le verbeeg en train de torturer un orque. En vérité, le chef des géants était amusé par ce spectacle, mais il savait combien il était dangereux de mettre le versatile Akar Kessell en colère. Il avait vu plus d’un gobelin indiscipliné condamné à une mort lente pour avoir désobéi, ou simplement pour apaiser les tendances perverses du sorcier.

— Pose cette chose misérable par terre, ordonna calmement Biggrin.

Plusieurs grognements de protestation s’élevèrent autour du géant du givre.

— Enfonce sa tête cont’ le mur ! cria l’un deux.

— Mords son nez ! renchérit un autre.

Le visage de l’orque était tout boursouflé à cause du manque d’air et il ne se débattait presque plus. Le verbeeg qui le tenait soutint le regard fixe et menaçant de Biggrin encore quelques instants, puis il lança sa victime impuissante devant les bottes du géant du givre.

— T’as qu’à l’garder, alors, gronda férocement le verbeeg à Biggrin. Mais s’il m’dit encore quoi qu’ce soit, j’le mangerons pour du sûr !

— J’en ai marre d’ce trou, se plaignit un géant dans les rangs du fond. Quand y a une vallée entière d’nains crasseux prêts à s’faire cueillir !

Le grognement reprit plus intensément.

Biggrin regarda autour de lui et étudia la fureur bouillonnante qui agitait l’ensemble de ses troupes, menaçant de faire sombrer le repaire entier dans un accès irrépressible de violence.

— D’main soir, on irons commencer à sortir voir c’qui nous attend, proposa Biggrin en réponse. (C’était une manœuvre risquée, et le géant du givre le savait, mais l’alternative était un désastre certain.) Just’ trois à la fois, et sans rien dire à personne !

L’orque avait retrouvé un semblant de sang-froid et entendu la proposition de Biggrin. Il commença à protester, mais le chef des géants le fit taire immédiatement.

— Ferm’ ta bouche, chien d’orque, lui ordonna Biggrin, arborant un sourire ironique tout en regardant fixement le verbeeg qui avait menacé le messager, où j’laisserons mes amis t’manger !

Les géants hurlèrent leur joie et échangèrent des claques sur l’épaule avec leurs compagnons, de nouveau camarades. Biggrin leur avait promis de l’action mais, malgré l’enthousiasme vigoureux de ses soldats, il doutait de sa décision. Les cris décrivant diverses recettes que les verbeegs avaient concoctées – « L’nain aux pommes » et « Barbu, Battu et Bien cuit » – retentissaient en un tonnerre d’acclamations approbatrices.

Biggrin redoutait ce qui pouvait advenir si l’un des verbeegs tombait sur un être du petit peuple.

 

***

 

Biggrin laissa les verbeegs quitter le repaire par groupes de trois, et seulement pendant la nuit. Même s’il lui paraissait improbable qu’un nain se déplace aussi loin au nord de la vallée, il savait que c’était prendre un risque insensé. Un soupir de soulagement lui échappait chaque fois qu’une patrouille revenait sans incident.

Le simple fait d’être autorisé à sortir de la grotte étriquée avait considérablement remonté le moral des verbeegs. La tension à l’intérieur du repaire disparut tandis que les troupes retrouvaient leur enthousiasme pour la guerre à venir. Du haut du versant du Cairn de Kelvin, ils apercevaient souvent les lumières de Caer-Konig et Caer-Dineval, ainsi que celles de Termalaine sur le bord opposé à l’ouest, et même de Bryn Shander loin vers le sud. Voir ces villes leur permettait de fantasmer sur leurs victoires futures, et ces pensées suffisaient à les apaiser pendant leur longue attente.

Une autre dizaine s’écoula. Tout semblait bien se passer. Ayant remarqué l’amélioration que cette once de liberté avait apportée au moral de ses troupes, Biggrin commença à se détendre vis-à-vis de sa décision risquée.

Mais alors, deux nains, qui avaient été informés par Bruenor qu’il y avait de la pierre de qualité à l’ombre du Cairn de Kelvin, firent le voyage jusqu’à l’extrémité nord de la vallée pour étudier son potentiel minier. Ils arrivèrent sur les pentes méridionales de la montagne rocheuse tard dans l’après-midi, et au crépuscule leur campement était installé sur un rocher plat à côté d’un torrent rapide.

C’était leur vallée, et elle n’avait pas été le théâtre de troubles depuis des années. Ils prirent donc peu de précautions.

Et c’est ainsi que la première patrouille de verbeegs qui quitta le repaire ce soir-là repéra les flammes d’un feu de camp et entendit le dialecte caractéristique des nains abominés.

 

***

 

De l’autre côté de la montagne, Drizzt Do’Urden se réveilla de sa somnolence diurne. Émergeant de la grotte dans les ténèbres qui s’épaississaient, il trouva Wulfgar à l’endroit habituel, perché sur une haute pierre, méditant les yeux rivés sur la plaine.

— Tu te languis de ta maison ? demanda le drow pour la forme.

Wulfgar haussa ses immenses épaules et répondit distraitement :

— Peut-être.

Le barbare avait commencé à se poser de nombreuses questions sur son peuple et leur façon de vivre depuis qu’il avait appris à respecter Drizzt. Le drow était une énigme pour lui, une combinaison déroutante d’habileté exceptionnelle au combat et d’une parfaite maîtrise de soi. Drizzt semblait capable de mesurer chacun de ses mouvements à l’aune de l’aventure et d’une morale incontestable.

Wulfgar adressa un regard interrogateur au drow.

— Pourquoi es-tu là ? demanda-t-il tout à coup.

Maintenant, c’était Drizzt qui contemplait pensivement l’étendue dégagée qui leur faisait face. Les premières étoiles de la soirée étaient apparues, leur reflet scintillant nettement dans les sombres iris des yeux de l’elfe. Mais Drizzt ne les voyait pas ; son esprit s’égarait dans les lointains souvenirs des villes sans lumière des drows, dans leurs immenses complexes de cavernes bien en dessous du sol.

— Je me rappelle, se souvint Drizzt avec l’acuité saisissante des souvenirs terribles, la première fois que j’ai vu le monde de la surface. J’étais bien plus jeune à l’époque, et je faisais partie d’un important groupe de pilleurs. Nous sommes discrètement sortis par une grotte secrète et nous avons fait une descente sur un petit village elfique. (Le drow tressaillit devant les images qui défilaient dans son esprit.) Mes compagnons ont massacré tous les membres du clan des elfes des bois. Toutes les femmes. Tous les enfants.

Wulfgar l’écoutait, envahi par une horreur grandissante. Le raid que décrivait Drizzt aurait tout aussi bien pu être perpétré par la féroce tribu de l’Élan.

— Mon peuple tue, continua Drizzt d’un air grave. Ils tuent sans pitié. (Il regarda Wulfgar dans les yeux pour s’assurer que le barbare le comprenait bien.) Ils tuent de sang-froid.

Il s’interrompit un moment pour laisser le barbare mesurer le poids de ses paroles. La description simple, mais sans appel de ces tueurs impassibles avait troublé Wulfgar. Il avait été élevé et entraîné au sein de guerriers passionnés, des hommes dont le seul but dans la vie était la poursuite de la gloire au combat – luttant en priant Tempus. Le jeune barbare ne pouvait tout simplement pas comprendre une telle cruauté.

Mais Wulfgar devait bien admettre que la différence était subtile. Qu’il s’agisse de drows ou de barbares, les résultats de leurs raids étaient très semblables.

— La déesse démon qu’ils servent ne laisse aucune place aux autres races, expliqua Drizzt. Particulièrement aux autres races d’elfes.

— Mais tu ne seras jamais accepté dans ce monde, dit Wulfgar. Tu dois sûrement savoir que les humains te rejetteront toujours.

Drizzt hocha la tête.

— La plupart d’entre eux, approuva-t-il. Il y en a peu que je puisse appeler mes amis, pourtant je suis heureux. Tu vois, barbare, désormais je sais que je mérite leur respect, sans culpabilité ni honte. (Il se releva de sa position accroupie et commença à s’éloigner dans l’obscurité.) Viens, lui enjoignit-il. Combattons bien cette nuit, car je suis satisfait de l’évolution de ton savoir-faire, et cette partie de tes leçons est proche de son terme.

Wulfgar resta assis là encore un moment en méditant. Le drow vivait une vie dure et matériellement démunie, pourtant il était plus riche qu’aucun homme que Wulfgar ait connu. Drizzt s’était raccroché à ses principes dans des circonstances accablantes, faisant le choix de quitter l’univers familier de ses semblables pour rester dans un monde où il ne serait jamais ni accepté ni apprécié.

Il regarda l’elfe qui s’éloignait, devenu une simple ombre dans les ténèbres.

— Peut-être que nous ne sommes pas si différents l’un de l’autre, murmura-t-il dans sa barbe.

 

***

 

— Des espions ! chuchota l’un des verbeegs.

— Bien stupides pour faire du feu quand qu’ils épient, dit un autre.

— On n’a qu’à les écraser ! dit le premier, s’avançant vers la lueur orangée.

— Le chef a dit non ! leur rappela le troisième. On sommes là pour voir, pas pour écraser !

Ils commencèrent à descendre le chemin rocailleux, avec le plus de discrétion possible, ce qui les rendit aussi silencieux qu’un rocher en train de tomber.

Les deux nains étaient parfaitement conscients que quelqu’un ou quelque chose était en train de se rapprocher d’eux. Ils dégainèrent leurs armes par mesure de précaution, mais ils pensèrent qu’il devait s’agir de Wulfgar ou de Drizzt, ou peut-être de pêcheurs de Caer-Konig qui avaient vu la lueur de leur feu et venaient partager leur dîner avec eux.

Quand le campement apparut aux yeux des verbeegs, juste en dessous d’eux, les monstres purent voir que les nains se tenaient fermement debout, l’arme à la main.

— Ils nous avons vus ! dit l’un des géants, se dissimulant dans l’obscurité.

— Ah, tais-toi, ordonna le deuxième.

Le troisième géant, sachant aussi bien que le deuxième que les nains ne pouvaient pas encore savoir qui ils étaient, empoigna l’épaule de celui-ci et lui adressa un clin d’œil malveillant.

— S’ils nous avons vus, raisonna-t-il, nous ont pas d’autres choix que d’les écraser !

Le deuxième géant gloussa doucement, percha sa lourde massue sur son épaule et s’avança vers le campement.

Les nains furent abasourdis quand le verbeeg bondit hors d’un amas rocheux, à peine à quelques mètres de leur campement, et qu’il fonça vers eux. Même mis au pied du mur, un nain reste coriace, d’autant plus que ceux-là étaient du clan de Castelmithral, et qu’ils avaient mené des batailles sur la toundra impitoyable toute leur vie. Ce combat ne serait pas aussi facile que le verbeeg l’avait pensé.

Le premier nain se baissa pour esquiver une frappe pesante du premier monstre et riposta en assenant son marteau sur les orteils du verbeeg. Le géant leva instinctivement son pied blessé, se mettant à sautiller à cloche-pied, et le guerrier nain aguerri le fit promptement tomber en le frappant au genou.

L’autre nain avait réagi rapidement, lançant son marteau avec précision. Il atteignit un autre géant dans l’œil, ce qui l’envoya s’écraser dans les rochers.

Mais le troisième verbeeg, le plus intelligent des trois, avait ramassé une pierre avant de charger et il riposta à l’attaque du nain d’un lancer d’une force extraordinaire.

La pierre rebondit sur la tempe du nain infortuné, projetant violemment sa tête sur le côté qui roulait mollement sur ses épaules lorsqu’il chuta, mort, sur le sol.

Le premier nain pouvait facilement venir à bout du géant qu’il avait mis à terre, mais le dernier monstre fut sur lui en un instant. Les deux combattants enchaînèrent parades et ripostes, le nain prenant légèrement l’avantage. Celui-ci ne dura que le temps que le géant qui avait été frappé à l’œil par le marteau lancé se soit suffisamment rétabli pour lui sauter dessus.

Les deux verbeegs assenèrent une avalanche de coups sur le nain. Il réussit à les esquiver et à les dévier jusqu’à ce que l’un deux finisse par s’abattre en plein sur son épaule et le fit tomber sur le dos. Il reprit son souffle rapidement, car il était aussi robuste que la pierre sur laquelle il avait atterri, mais une lourde botte le piétina, le maintenant sur le ventre.

— Aplatis-le ! supplia le géant blessé que le nain avait mis à terre. Après, on l’emmènerons au cuisinier !

— On vons pas faire ça ! grogna le géant qui surplombait le nain. (Il pesa sur sa lourde botte, pressant lentement la vie hors de sa victime.) C’est nous qu’Biggrin emmènerons au cuisinier s’il découvrons c’qu’on avons fait !

Les deux autres géants furent véritablement effrayés à l’évocation du courroux de leur chef brutal. Ils regardèrent avec impuissance leur compagnon plus rusé dans l’espoir d’une solution.

— On vont les mettre avec leurs sales affaires au fin fond d’un trou et jamais on en r’parlerons !

 

***

 

À plusieurs kilomètres à l’est, dans sa tour solitaire, Akar Kessell attendait patiemment. En automne, la dernière – et la plus importante – des caravanes marchandes en provenance de Luskan reviendrait aux Dix-Cités, chargée de richesses et de vivres pour le long hiver. Sa vaste armée serait réunie et en route d’ici là, marchant glorieusement vers les pitoyables pêcheurs pour les détruire. À la simple pensée des avantages qu’il tirerait de cette victoire facile, des frissons de plaisir parcoururent le sorcier.

Il était bien loin de savoir que les premières frappes de la guerre avaient déjà eu lieu.

L'Éclat de Cristal
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